Un chavirage "ordinaire" passionnante, et enrichissante aventure vécue par notre ami Antoine lors du National 2009 à bord de son Spair "Vigen de Covadonga" |
L’eau est claire et agréable à la baignade. Face au vit de mulet, les pieds en direction des barres de flèches, je récupère l’extrémité de la drisse en veillant à ce que le spi reste bien dans son sac. Je m’assure surtout à ne pas me retrouver moi-même prisonniers des bouts qui oscillent au gré des mouvements de la coque. Drisse de spi en main, je remonte en contournant le livet du bateau. J’arrive au bouchain et enfin, tête hors de l’eau, je respire. Je donne la drisse de spi au bateau de sécurité. On espère que le bras de levier issu du capelage permettra enfin de redresser « La Virgen de Covadonga ».
Ce matin le vent souffle généreusement. Margaux (9 ans) veut en découdre mais sans être trop secouée. J’assimile bizarrement les deux informations et je maintiens les réglages de petit temps grée la veille (matossage à l’avant, pas de creux sur le mat, bordure creuse, génois et pas foc, grand voile haute etc …).
J’ai l’intention de naviguer tranquillement et le bateau est réglée pour un temps de demoiselle, tout va bien. Cependant dans le bord de vent arrière pour rejoindre zone de départ, le speedo, m’annonce une vitesse d’un peu plus de 6,5 nœuds. Je prends quand même un ris mais trop creux et j’oublie de revoir les autres réglages.
La ligne est franchement bâbord et c’est donc bâbord amure que Margaux et Moi lançons la « Virgen de Covadonga » pile au top départ, sur ce que nous croyons être la ligne - instructions relues, le bateau viseur ETAIT LA MARQUE. La bouée marquait le coté droit de la porte du parcours banane - . Nous sommes en tête et j’en oublie toutes mes bonnes résolutions de père peinard.
Je navigue en tirant sur la bête, je vire dans les refusantes, je lofe dans les risées je travaille de chariot de GV en permanence et pour Margaux c’est beaucoup de sollicitations.Une nouvelle refusante, je vire en la prévenant à peine. Le foc reste bordé à contre. Je largue l’écoute alors que nous sommes déjà passé bâbord amures. Dans cette position, border est un effort trop important pour Margaux. Je prends donc l’écoute de foc en maintenant la barre avec mon genou et comme je n’ai pas mis mes gants, c’est long. Belle risée, le bateau part au lof avec un coup de gite prononcé. Margaux glisse vers la banquette tribord sous le vent, alors que déjà j’enjambe le liston bâbord. Le bateau est maintenant couché mat horizontal à fleur d’eau. Debout sur le saumon je vois Margaux au raz de l’eau à genoux sur le dossier de la banquette tribord. Ses épaules sont encadrées par le fond du cockpit vertical devant elle et la bôme contre sa nuque. Inquiète, mains tendues vers moi, elle me demande le venir la récupérer.
Le mât est au raz de l’eau, descente non submergée, le bateau semble stabilisé. Je lui crie « par les poignets » puis, plié en deux contre le liston, je lance mon bras et en un éclair j’attrape le poignet de Margaux et la hisse à mon niveau. Sous cette impulsion, lentement, bien que Margaux et moi fassions maintenant contrepoids sur la dérive, poussé par le fardage de la coque, freiné par la tête de mât dans l’eau, la « Virgen de Covadonga » tourne lentement et inexorablement sur son axe longitudinal. Tous les agencements de petits temps vont se faire connaitre.
La descente est alors atteinte et comme je n’ai pas laissé la porte en place, la cabine est envahie. Le matossage à l’avant entraîne le nez vers le fond. Les coffres latéraux normalement étanché au ruban adhésif dans la brise, vont même s’ouvrir malgré les fermetures « sauterelles ».
Les réserves de flottabilité que je prévoie d’installer sous le cockpit et dans les coffres ainsi que les bidons étanches que je n’ai pas posés aujourd’hui dans la cabine, se font remarquer par leur absence. Le bateau est très sévèrement immergé
Je replonge pour libérer tous les bouts des taquets, et pour attraper la drisse de spi. Finalement le bateau se redressera en faisant un tour complet sur lui-même grâce au fardage de la coque et au frein de la voile. Un deuxième bateau de sécurité s’étant judicieusement positionné pour attraper la tête de mat quand celle-ci à affleuré la surface (sinon c’est un tour de plus).
C’est couchée sur le coté, tête de mat maintenue par un autre bateau, que la Virgen de Covadonga en remorque rejoint le bord où elle a été renflouée.
Les raisons :
- Bien que très en avance, je n’ai pas su présenter un dossier clair qui aurait permis de passer la chaine d’inscription rapidement, c’est donc finalement « à la bourre » que je mets le bateau à l’eau,
- Je n’ai pas revu mes choix en fonction des conditions au moment du départ. J’ai laissé en place les réglages de petits temps préparés la veille alors qu’il ne me fallait que quelques minutes pour les reprendre,
- Je n’ai pas protégé les coffres de cockpit de ruban adhésifs pour les étancher,
- Je n’ai pas fermé le bidon étanche qui était dans la cabine,
- Je n’ai pas posé la porte de la cabine,
- Je n’ai pas tenu compte des capacités de mon équipière.
Le lendemain, je casse la tête de safran - précédemment plusieurs fois affaiblie - et Margaux reste sereine.
On termine la manche avec la godille en guise de safran (quand même avec un ris dans la G.V)
Les points heureux :
- Margaux et moi portions chacun notre gilet et à aucun moment nous n’avons été inquiets pour nous même,
- La sécurité ne s’est pas limitée à récupérer l’équipage mais aussi à sauver le bateau,La sécurité ne s’est pas limitée à récupérer l’équipage mais aussi à sauver le bateau,
- Margaux est remontée à bord le lendemain sans aucune appréhension.
A l'avenir
Modifications du bateau :
- Rendre étanche le volume sous le plancher de cockpit et y implanter de la mousse de flottabilité,
- Rendre étanche les parties supérieures des coffres de cockpit et y implanter de la mousse de flottabilité,
- Dans les coffres, eux-mêmes, fixation de flottabilité d’optimiste,
- Dans la cabine et de chaque coté, fixation de flottabilité d’optimiste et de bidon étanches (30l mini),
- Prévoir éventuellement une grosse bouée type marque de parcours gonflée ou gonflable avec percuteur, dans la cabine.
Modification du comportement :
- Mieux préparer la chaine d’inscription et le bateau,
- Revoir mon jugement et mes choix quitte à accepter de « manquer » une manche,
- Tenir compte de l’amarinage de l’équipage et de ses capacités,
- Expliquer à l’avance ce qu’il faut faire en cas de dessalage,
- Assurer la fermeture des coffres avec un bout,
- Etancher les coffres et le capot avant avec du ruban adhésif,
- Naviguer avec la porte de cabine en place et capot fermé,
- Gants pour tout le monde,
- Ecoute de foc de plus gros diamètre - disons 10 mm- dans la brise.
D’autres Maraudeur ont dessalés pendant ces régates. La plupart se sont redressés quasi immédiatement et ont repris leur route. Le point critique arrive quand le mat touche l’eau. Le bateau dérivant sous l’action du vent, en appuis dans l’eau, la tête de mat puis la voile entraînent la rotation. Si les flottabilités et étanchéités sont bien en place, le bateau fait un tour complet et son équipage, sec, peut reprendre sa route après ce qui ne sera qu’un dessalage. Sinon c’est un chavirage ordinaire.
On notera que des Maraudeur non régatiers ont tranquillement navigués autour de la régate. Un ris dans la GV, foc à poste et manœuvre tranquillement menées, c’est en spectateursvigilants et décontractés qu’ils ont assisté aux pirouettes de la Virgen de Covadonga ceci sans avoir même le sentiment de pourvoir dessaler.
Conclusion
D'autres Maraudeurs ont dessalés pendant ces régates. La plupart se sont redressés quasi immédiatement et ont repris leur route. Le point critique arrive quand le mat touche l'eau. Le bateau dérive sous l'action du vent fort. En appuis dans l'eau, la tête de mat puis la voile entraînent la rotation. Si les flottabilités et étanchéités sont bien en place, le bateau se stabilise couché ou au pire, fait un tour complet sans se remplir d'eau. Ensuite, redressé sans aide extérieure et avec son équipage sec, il peut reprendre sa route après ce qui ne sera qu'un dessalage. Sinon c'est un chavirage ordinaire.
Morale
Des Maraudeur spectateurs et parfois novices ont tranquillement navigués autour de la régate. Un ris dans la GV, foc à poste et manoeuvres paisiblementmenées, c'est en observateurs vigilants et décontractés qu'ils ont assisté aux pirouettes de la Virgen de Covadonga. Comme des conducteurs prudents,dans leurs compétences, en harmonie avec leur bateau, ils sont assurément à l'abri de tout dessalage.