Non, cela n'arrive pas qu'aux autres. Parti bien tranquille, une mauvaise surprise attendait notre ami. |
Ouragan sur le lac.
Cet après midi, comme tous les vendredi, maraudage sur le lac de Serre Ponçon.
Le régime des vents est habituellement thermique, il se lève dans l'après midi, de secteur dominant sud-ouest (il vient donc du barrage) avec comme sur les lacs de montagne des influences du relief qui le rendent capricieux et inconstant. Vers 14h donc mise à l'eau, vent force 1-2, des Optimists font des ronds dans l'eau autour de la chapelle St Michel, à 500 m de la base. Le vent est plutôt orienté NO, faible, cumulus de beau temps dans le ciel, il fait chaud.
20 mn après le départ, à 700 m du ponton, un gros cuninb tout gris arrive rapidement du NO, précédé d'un renforcement du vent à environ 3.
Bonne aubaine, j'avance !
Soudainement, la pluie commence à tomber, d'abord modérément. Je vois les Optimists qui se rapprochent du bord, visiblement sur le retour. Le vent se renforce et la pluie redouble à grosses gouttes.
Je ferme l'écoutille de la cabine, la prise de ris est maintenant impossible, je suis seul et impossible de rester face au vent, qui se renforce de plus en plus.
La pluie maintenant tombe presque horizontalement, c'est tout gris sur l'eau devant, le spectacle vers l'arrière est superbe, le lac est totalement piqueté de gouttes énormes, la surface hachée, je suis trempé jusqu'aux os, obligé de fermer les yeux face à la pluie tellement elle est forte.
Entre-temps, j'ai rebroussé chemin et enroulé le génois, je navigue sous grand voile seule, dans des conditions dantesques. Le bateau est non manoeuvrable, la voile bat et claque au vent, le mat se tortille comme un spaghetti, la pluie redouble, le tonnerre explose très proche, des éclairs s'abattent sur terre à moins de 2 km, un orage de montagne, mais sur l'eau !
La gîte est contrôlée du mieux possible en choquant au maximum, j'avance toutefois péniblement en direction de la base, avec une forte dérive, au milieu des rafales qui couchent le bateau à la limite du dessalage.
Et soudain, le vent tourne en adonnant, plus moyen de choquer, la bôme touche quasiment le hauban tribord, le bateau se couche et crac, c'est le dessalage.
Je contourne par l'arrière à la nage, monte sur la dérive et il se redresse sans problème. Je remonte à bord par le tableau arrière, sans gros effort. L'assiette est anormale, j'ai du prendre de l'eau, je le sens plus lourd.
Retour à la base où les moniteurs de la base me halent en Zodiac sur les derniers 30 m après que j'eusse affalé la GV. Amarrage, ferlage de la GV, et à l'abri !
En regardant le bateau sur le ponton, il a effectivement une gîte tribord. Après la tempête, c'est le calme dit-on ! Effectivement, et je descends au ponton pour inspecter. Le coffre bâbord est sec, le tribord a 20 cm d'eau. Dans la cabine, 10 cm dans les fonds, de chaque coté du puits. Ecopage (vive le cockpit auto videur !) et épongeage sont les mamelles du dessaleur. Bilan : pas de casse. La précaution de fermer la cabine a peut être évité de remplir celle-ci, quoique le bateau couché, l'eau n'arrivait pas au niveau de l'ouverture, mais sans vagues il est vrai. Le téléphone portable est HS, il n'aime pas se laver.
Pour les futures améliorations, prévoir un système de prise de ris simple et maniable en pied de mat et une étanchéification des coffres de cockpit avec du joint silicone.
*** fin de l'article de François Moineau ***
L'avis du Maraudeur
Ici François dit tout. On peut très bien sortir avec une météo clémente et rencontrer des vents violents. L'exemple le plus extrême dont on se souvient est le coup de vent force 12, en été à la fin des années 1980 ; la météo avait, elle, annoncé 10 nœuds de vent. On avait appris ensuite qu'il s'agissait d'un phénomène rare, un talweg météo dans un anticyclone. Il y avait eu beaucoup de victimes.
Quand on choisit de naviguer, on choisit aussi d'être un naufragé potentiel. Comment se prémunir du pire tout en conservant le plaisir d'être sur l'eau ?
Avec un Maraudeur, la principale difficulté réside dans le maintien de l'équilibre du bateau quand on prend les dispositions de réduction. Seul à bord c'est difficile de prendre un ris, de fermer la porte, ou d'étancher les coffres alors que le vent est déjà là. Sur un plan d'eau intérieur, il est rare qu'il n'y ait pas une côte sous le vent où l'on pourra débarquer sans trop de dommages, hormis éventuellement pour le bateau. Quoi qu'il en soit, oui, je ne saurais que trop recommander d'équiper le bateau d'un ris automatique.
Quand on est entouré de bateaux de sécurité, il n'est pas inutile de s'entraîner à manœuvrer dans le temps fort. De tester, voile arrisée sans voile d'avant, et le contraire, pas de GV et foc devant. Ensuite comme le décrit François, particulièrement en mer où il y va de la vie de l'équipage, naviguer porte fermée et capots étanchés (au ruban adhésif) et truffer le bateau d'objet arrimés et flottants (bouée, bidon étanches, sac étanches) renforcera l'autonomie et la possibilité de s'en sortir seul. Sur certains modèles et avec le temps, les coffres latéraux communiquent avec le fond du cockpit et avec la cabine.
En clair, si comme François ont embarque de l'eau dans un coup de gite, il est assuré qu'elle fera carène liquide et se répandra dans tous les fonds. Parfois au prix de fortes contorsions, il est possible d'étancher les cloisons en reprenant les stratifications d'origines (stratification et joint congés ou peut être silicone s'il vieillit bien ou le produit Sikaflex adapté) Au delà, une VHF ou/et un téléphone dans une protection étanche seront obligatoires.
Bien sûr et même dans le petit temps, le port d'un gilet tombe sous le sens - Ceux prévus pour les dériveurs sont légers et peu encombrants et vont bien pour les plans d'eau intérieurs. Cependant et selon la législation je crains qu'en mer et en plan d'eau intérieur, il ne faille porter ceux dissymétriques avec de grand cols de mousse qui sont eux validés pour les croiseurs. A noter que les gilets gonflables constituent un progrès appréciable, du fait de leur encombrement quasi nul On se rappellera qu'une vague puissante et acore couche plus assurément un bateau à sec de toile, qu'un vent violent. Un Maraudeur bien équipé en réserves de flottabilité, même à l'envers et grâce à son saumon, permettra à ses occupants d'attendre les secours. Je le répète VHF ou téléphone dans une protection étanche sont indispensables tout comme les gilets. Si on navigue sur de l'eau froide, une combinaison néoprène ou étanche est aussi à prévoir.
Se prémunir des catastrophes c'est façon de les empêcher de survenir.